Recette de conversations des fêtes : comment ne pas finir 2024 (et commencer 2025) en crisse contre toustes celleux qu’on aime

La période des fêtes de fin d’année/début d’année s’en vient.

Y en a que ça rend très heureux·ses, les rassemblements de famille et amix, les gros repas, les marches pour digérer lesdits repas. Y en a d’autres qui préfèrent cuddler avec leur chat/chien/lapin/perroquet/serpent/etc. en buvant du chocolat chaud. C’est 2 ambiances différentes.  

Cette recette n’est pas à destination de la 2e catégorie de personnes, car ielles n’auront pas besoin de naviguer des conversations parfois awkward, parfois enrageantes, avec des-gens-qu’on-aime-mais-maudit-qu’y-nous-tannent-des-fois. (Ceci dit, je connais pas assez les perroquets pour garantir que les conversations soient 100 % paisibles à Noël)

Quand on passe les fêtes avec la famille / les amix (que ce soit un choix ou imposé par Les Choses De La Vie), y a des conversations qui peuvent vite faire grincer les dents du plancher. Et je le sais, je viens de la France : le chialage c’est notre sport national. Pis en ce moment, alors que la désinformation et les paniques morales soufflent comme le vent sur la dune de Bouctouche, ça peut être difficile de savoir comment avoir une conversation sans finir dans la salle de bains avec une crise d’anxiété. 

Mais on sait aussi que les conversations en personne, c’est le moyen le plus efficace de combattre la désinformation. Les débats sur Facebook, ça sert juste à se chicaner avec ta cousine Ginette ou ton Menoncle Adélard. Toi tu vas pas dormir tellement tu seras en crisse pis elleux y vont même pas changer d’idée. 

Alors, t’es féministe pis tu veux pouvoir avoir des débats plus stimulants que : qu’est-ce qui est meilleur entre la poutine râpée et la poutine québécoise ? Ben halle toi une bûche (au chocolat) : on a des conseils pour toi.

Égale Canada et Action Canada pour la santé et les droits sexuels ont tous les 2 écrit des guides de conversation pour parler des droits des personnes 2ELGBTQQIA+ et de la justice reproductive avec ses proches. Même si les guides parlent d’enjeux précis, les méthodes s’appliquent à tous les enjeux de justice sociale. Je te résume ça ici, et tu peux aller lire leurs guides pour trouver des ressources spécifiques. 

1) Gréér la table émotionnelle

La 1e étape c’est commencer avec une valeur commune que tu as avec la personne avec qui tu parles. Mettons que c’est ta cousine Ginette. 

Ginette est d’accord que les hommes et les femmes devraient avoir les mêmes droits, mais elle est pas sûre qu’elle dirait qu’elle est féministe par exemple... ça fait comme peur. 

Tu pourrais dire : « Ginette, toi pis moi on est d’accord. Tout le monde devrait avoir les mêmes droits. C’est ça que c’est être féministe : c’est croire à l’égalité entre les genres. C’est pas de la tourtière, Menoncle en aura pas moins parce que les femmes et les minorités de genre en ont itou. »

Comme ça, tu gréés la table avec une connexion émotionnelle. 
 

2) Pose des questions pis écoute sans grincher des dents 

Après que t’as gréé la table, faut savoir quoisse qu’y a dans l’assiette. Demande à ta cousine Ginette où elle a entendu que les féministes cherchent à opprimer les hommes. C’est quoi qu’elle a entendu sur les féministes, dans le fond ? 

Toi tu vas mieux comprendre pourquoi elle croit ce qu’elle croit... et peut-être ben qu’elle va réaliser que ses sources d’information sont pas toutes 100 % fiables.

Tu peux lui montrer d’autres sources d’information :

  • Des organismes qui travaillent sur les enjeux en citant leurs sources
  • Des médias alternatifs (Coop Média NB, The Breach) ou des comparateurs de biais politiques dans les médias comme GroundNews
  • Des personnes qui sont impliquées dans la revendication et qui sont transparentes dans leurs recherches (et leurs biais).

Écoute-la sans l’interrompre, sans la juger. Tu peux valider ses émotions (« je comprends que ça te fasse peur ») sans valider ce qu’elle dit (« c’est pas comme ça que moi je vis le féminisme »).  


3) Sors ton assiette personnelle

Récemment, dans le documentaire Preconceived, sur le droit à l’avortement aux États-Unis, une chercheuse pro-choix disait « y a rien de plus puissant qu’une histoire ». C’est vrai : les statistiques, les données, les faits, c’est important mais c’est les histoires personnelles qui vont faire une différence pour changer les opinions des gens. Pis avec les paniques morales et les théories du complot, la méthode c’est de faire perdre confiance en toutes les personnes qui se disent « expert·es » (surtout quand on parle de santé).

Raconte une histoire personnelle, ou essaye de raconter une anecdote qui illustre le sujet. Ça va permettre à ta cousine Ginette de voir les choses de ta perspective.

Tu peux raconter comment être féministe t’aide à être une personne plus empathique, plus ouverte, comment ça te fait plumer les stéréotypes de genre comme la peau d’une patate. Être féministe, ça t’a apporté quoi dans la vie ? (outre une rage constante) 


4) Lâche ta fourchette

Fais sûr·e que ton corps te trahit pas. Le langage corporel dans le monde post-zoom c’est le glaçage sur le gâteau aux carottes : ça donne de la texture. La texture peut être un peu... too much, surtout quand on parle de sujets qui nous passionnent. Lâche ta fourchette et ton couteau, détend ta mâchoire et tes épaules. Tu peux prendre une distance physique avec Ginette, laisser des moments de silence. Évite les phrases qui sonnent comme des accusions, avec des « tu dis que... » C’est mieux de virer la phrase à l’envers : « j’ai l’impression que tu dis que... »

MAIS ! Ça veut pas dire que tu peux laisser une personne te manquer de respect, par exemple. Tu peux affirmer tes limites et te défendre (avec les mots). Mais aussi longtemps que la conversation reste amicale, essaie de penser à des petits chatons/chiots/bébés lapins/bébés perroquets/bébés serpents/bébés etc. et à du chocolat chaud. Si ça devient trop difficile, tu peux prendre une pause ou même arrêter la conversation. 

Le plus important c’est ta santé mentale et émotionnelle. Avant d’aller hyperventiler tout·e seul·e dans la salle de bain, trouve du support : personne de confiance, amix, thérapeutes, lignes d’écoute en santé mentale, etc. ...  


5) Mange ton dessert pis laisse les idées brasser

Même si Ginette et toi vous avez eu une bonne talk, que vous avez même ri un peu, c’est probable qu’il faudra continuer la discussion pour qu’elle change vraiment d’idée. 

Des fois ces discussions-là, ça brasse les idées pis y faut attendre un peu de temps avant que ça se mette en place. C’est correct ! Tu peux proposer à ta cousine d’en reparler une prochaine fois. Ça va lui faire plaisir de voir que tu tiens à votre relation, pis ça va l’aider à processer. Peut-être même que vous pourrez aller encore plus loin dans la discussion (« mon féminisme est intersectionnel »). 

6) Prends soin de toé

C’est l’affaire la plus importante.  

Avant même de gréer la table, faut que tu sois sûr·e que c’est sécuritaire pour toi pis Ginette d’avoir la conversation. Peut-être que t’es pas dans une place en ce moment où tu peux avoir la discussion sans flipper la table. Peut-être que ta cousine a des préjugés qui affectent directement qui tu es comme personne, pis t’as besoin d’être soutenu·e pour avoir cette discussion. Peut-être qu’y a d’autres personnes à la table qui vont pas te laisser parler. 

À la fin de la journée, on veut avoir des discussions pour créer de l’empathie et de l’écoute, pas pour encourager les disputes (oui oui, même les français·es qui chialent doivent le faire dans le respect). 

Si tes émotions se sentent plumées comme des patates : quitte la pièce et va chercher du soutien. T’as peut-être un·e amix qui passe les fêtes avec son chat/chien/lapin/perroquet/serpent/etc. et son chocolat chaud et qui a une place de plus pour t’accueillir sur son sofa. 

 


Ressources :

Léonore Bailhache est originaire de Normandie, en France. Autrice, traductrice, et bien entendu féministe, Léonore a grandi dans une famille engagée dans la lutte contre les oppressions. C’est sur les épaules de ses parents qu’elle a participé à ses premières manifestations, et appris à s’informer sur la justice sociale.

Diplômée d’une maitrise en création littéraire, Léonore est passionnée de littérature jeunesse et de ses icônes féministes (à leurs façon), d’Anne Shirley à Fifi Brindacier à Georgia Nicholson, pour ne nommer qu’elles. En 2023, elle a publié Piscines publiques dans le numéro 35 de la revue Ancrages, une traduction littéraire du poème Swimming Pool de Megan Gail Coles (tiré du recueil Satched, House of Anansi, 2021)

Atteinte de plusieurs maladies chroniques, Léonore s’exprime publiquement sur l’endométriose, une maladie qui affecte au moins 10 % des personnes ayant un utérus (voir L’endo et nous, sur le blog de résistance féministe).

Léonore a vécu dans diverses provinces du pays connu sous le nom Canada, et a travaillé au Festival Frye, à Bouton d’or Acadie, ainsi qu’au Centre d’arts médiatiques Freeze Frame à Winnipeg. Depuis 2018, elle est installée à Moncton, sur le territoire non cédé des peuples Mi’kmaq, où elle vit avec son conjoint et leur chien adoré bien que bouncy, Gazelle.

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