J'suis Acadienne, J'suis Icitte !

En ce 15 août 2024, on republie cet article de blogue du mois de novembre 2019 parce qu'il est toujours aussi pertinent !

Dans notre société d’aujourd’hui, y’a ben des choses que j’comprends pas, mais ça m’empêchera pas d’essayer.
J’comprends pas pourquoi faut encore essayer de convaincre le monde que l’égalité des femmes n’est toujours pas atteinte.
J’comprends pas pourquoi y’a des filles qui se font abuser, des femmes qui se font violenter,
mais dans les médias on continue de vénérer le capitalisme comme une force toute puissante et on réduit le féminisme à une menace sociétale.

Surprise, surprise… c’est bien du patriarcat ça !
Et si quelqu’un ose me dire le contraire, y fait partie du problème; y’a arrêté d’essayer de comprendre.

Pourtant les statistiques devraient parler d’elles-mêmes.
Le nombre de personnes qui subiront une agression sexuelle au courant de leur vie sont de 1/3 pour les filles, 1/5 pour les garçons … pour moi c’est déjà 2/1 en qu’un quart d’une vie.
J’essaye encore de la comprendre celle-là… La seule explication satisfaisante que j’ai pu trouver, c’est que y’a ben des choses que les numéros ne vous disent pas.

Pour bien saisir l’ampleur d’un tel problème y faut se la partager en mots. C’est pour cette raison là que j’écris.

Chaque personne réagit de manières différentes suite à une expérience de violence fondée sur le genre. Pour moi, l’incompréhension et l’émotion étaient tellement paralysantes que pour continuer d’avancer fallait que je trouve un sens à toutes ces fractions ! J’aurais pu laisser mon 2/1 m’anéantir.
J’dois avouer que y’a des journées que ces fameux chiffres me ralentissent encore, mais j’pense au fait que pour d’autres, c’est 365/365.
Comme mon ancienne voisine, pour qui on devait appeler la police quand on entendait plus les cris par-dessus le bruit de la vaisselle qui se fracassait.
J’ai déménagé avant elle, mais faut pas la juger.

En partageant mon histoire, d’autres m’ont partagé la leur en retour. Croyez-le, ces « autres », elles ne sont pas seulement vos voisines.
Elles sont vos amies, vos mères, votre girlfriend, votre épouse, vos élèves, vos enfants… les hommes aussi, même si c’est moins souvent.
On ne peut pas savoir ce que les gens vivent avant qu’ils nous le racontent.

J’en veux aux personnes qui se sont donné droit à un rôle dans mon histoire, mais ce sont eux qui devraient avoir peur. Ils ne savent pas dans quoi ils se sont embarqués.

Mon histoire c’est toujours moi qui la raconte et c’est moi qui décide ce qui va s’y passer.

Pour comprendre mes expériences, je me suis immergée dedans. Je suis allée travailler au Centre d’agression sexuelle du Sud-Est, un organisme formidable toujours à la recherche de bénévoles, où je me suis découverte en tant que féministe et militante pour les droits des femmes.
Aujourd’hui, je fais ma maitrise en littérature combinée avec études sur les femmes et le genre.
Parce que la littérature est un reflet de sa société, les livres représentent pour moi l’endroit idéal où trouver mes réponses, mais aussi où inspirer le changement.
Parce qu’écrire est une forme d’activisme, une forme de pouvoir !

En Acadie, nous sommes bons à défendre notre langue et notre culture, mais y’a pas grand monde qui se garroche à défendre les femmes. Pas autant que y’en a qui se garrochent à les attaquer.

Ces dernières années, la contribution des femmes à la littérature acadienne se fait de plus en plus forte, mais historiquement les voix féminines ont non seulement passées sous silence, mais la majorité des personnages féminins (créées par des hommes) étaient soit mortes soit misérables. Le corps de la femme appartenait à l’église et au foyer. Sa job était d’être enceinte toute sa vie pi son fun se limitait à feeder son homme et ses enfants. On avance dans le temps, et tout d’un coup elles peuvent être enseignantes, secrétaires ou garde-malades. Les options s’ajoutent, mais faut encore qu’elles s’occupent des autres. Ces époques ne sont malheureusement pas si loin derrière nous.

Aujourd’hui, pu personne ne peut nous dire qu’est-ce qu’on a le droit d’être et plusieurs femmes font de grandes choses. L’existence de grandes autrices acadiennes en est la preuve! D’Antonine Maillet, à Dyane Léger, à Hélène Harbec, à Rose Després, à Georgette Leblanc… (j’en passe!) Malgré leur précieuse contribution, pour les lectrices de la génération courante, rares sont les modèles féminins contemporains dans lesquels nous pouvons nous reconnaître et nous projeter dans la littérature de par che’nous.

Elles sont où les Acadiennes fortes, révoltées, indépendantes, éduquées, impliquées, osées… ?

Y’en a en masse, je le sais !
Y’en a une qui m’a élevée,
y’en a une avec qui j’ai grandi,
y’en a plusieurs qui m’ont enseignée, inspirée, y’en a qui m’ont choyée de leur amitié… grâce à elles y’en a une icitte!

Icitte pour vous inciter à faire comprendre de quoi sont faites les Acadiennes d’aujourd’hui.
Montrez qu’elles sont faites de choses que personne n’oserait toucher sans permission.
Montrez qu’elles sont icitte pour leurs raisons, mais pas pour personne.
Montrez que les Acadiennes sont icitte et que rien ne peut les arrêter !
Détentrice d'un B.a.-B.éd. de l'Université de Moncton, Audrey Gagnon est Coordinatrice provinciale au Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick. Parallèlement, elle travaille sur son mémoire de maîtrise à l'Université McGill. Sa maîtrise est en littérature française, avec une concentration en études sur les femmes et le genre (Gender and Women's Studies).
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