L'autisme, longtemps perçu comme un trouble qui affecte principalement les garçons et hommes cis blancs, est en réalité présent chez les personnes de tous genres et ethnicité à des taux comparables. Cependant, en raison de stéréotypes de genre et de préjugés persistants, l'autisme chez les femmes cis, les personnes racisé·es (PANDC*), et les personnes de la communauté 2ELGBTQQIA+ est souvent mal diagnostiqué, sous-diagnostiqué ou diagnostiqué tardivement.
*PANDC = Personnes autochtones, noires et de couleur
Cette situation découle en grande partie de la façon dont les symptômes de l'autisme sont interprétés et évalués, souvent à travers le prisme de la masculinité. Cela mène à une incompréhension généralisée de l'autisme chez les personnes de genre féminin, les personnes non binaires et les personnes de diverses origines ethniques.
Caractéristiques de l’autisme
Les caractéristiques traditionnellement associées à l'autisme, telles que :
- les difficultés de communication sociale;
- les intérêts restreints;
- les comportements répétitifs;
Plutôt que de présenter des comportements visibles et extravertis, les personnes autistes de ces groupes peuvent développer des stratégies d'adaptation sociale qui masquent leurs difficultés, ce qui rend leur autisme moins évident aux yeux des autres. Par exemple, une femme autiste, ou une personne non-binaire autiste, peut apprendre à imiter les comportements sociaux attendus, comme maintenir le contact visuel ou participer à des conversations superficielles, pour mieux s’intégrer dans son milieu.
Les personnes qui ont un TSA (mais ne sont pas des hommes cisgenres) peuvent également être plus enclin·es à s'immerger dans des intérêts socialement acceptables, comme la littérature ou les arts. Leurs intérêts paraissent donc moins restreints.
Ces stratégies d'adaptation peuvent entraîner une grande fatigue et un stress accru. En plus, cela retarde la reconnaissance et le diagnostic de leur autisme par les professionnel·les de la santé.
Diagnostic de l’autisme
Le diagnostic de l'autisme repose souvent sur des critères développés principalement en se basant sur les présentations cliniques des hommes cis blancs autistes. Par conséquent, de nombreuses femmes cis, PANDC et personnes 2ELGBTQQIA+ ne répondent pas aux critères du diagnostic traditionnel et sont privé·es d'un accès précoce aux services de soutien et d'intervention.
Il est possible que les expert·es en santé mentale et les éducatrices·teurs aient des préjugés inconscients, les amenant à penser que ces personnes sont plus douées pour la communication et les relations sociales, ce qui entrave leur capacité à considérer l’autisme comme une possibilité.
Il est essentiel de reconnaître et de déconstruire ces idées sexistes et biaisées qui influencent le diagnostic de l'autisme. Les expert·es en santé mentale, les éducatrices·teurs et le grand public doivent être :
- sensibilisé·es aux différences de présentation de l'autisme chez les femmes cis, les PANDC et les personnes 2ELGBTQQIA+;
- encouragé·es à adopter une approche plus inclusive et holistique du diagnostic.
Cela implique de considérer une variété de comportements et de traits, et de reconnaître qu’il existe plusieurs formes d’autisme. De plus, l'accès à un diagnostic d'autisme est très coûteux et n'est pas accessible à toustes. De nombreuses personnes n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour consulter un·e spécialiste et obtenir un diagnostic précis.
Faits saillants
- Les hommes sont environ 4 fois plus susceptibles d'être diagnostiqués avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA) que les femmes. En 2020, la prévalence de l'autisme était estimée à environ 1 sur 32 (3,1%) pour les garçons et 1 sur 125 (0,8%) pour les filles. Cette différence peut être due à divers facteurs, y compris des biais dans le processus de diagnostic et des différences dans la manière dont les symptômes se manifestent entre les sexes. Cependant, des recherches approfondies doivent être faites pour mieux comprendre cette disparité entre les chiffres.
- Les études montrent que les personnes issues de minorités ethniques et raciales sont souvent diagnostiquées plus tard et moins fréquemment. Par exemple, les enfants noirs et hispaniques sont moins susceptibles de recevoir un diagnostic d'autisme comparés aux enfants blancs. Cette différence pourrait s’expliquer par un accès limité aux services de santé et des biais culturels dans le processus de diagnostic.
- Les recherches suggèrent que les individus autistes sont plus susceptibles de s'identifier comme étant 2ELGBTQIA+. Une étude récente a montré que 15-35 % des adultes autistes s'identifient comme LGBTQ+, ce qui est significativement plus élevé que dans la population générale (2 à 3 fois plus).
- Selon une étude de 2019, les personnes transgenres (particulièrement celles désignées filles à la naissance) et les personnes non-binaires sont plus susceptibles que les personnes cisgenres d’avoir un TSA. Cela signifie qu’un grand nombre de personnes transgenres / non-binaires pourraient avoir un TSA non-diagnostiqué.
- Le coût moyen d'un diagnostic d'autisme peut varier considérablement en fonction de l'endroit et des services utilisés. Au Canada, il peut varier entre 3000 et 5 000 $.
- Les frais de diagnostic sont souvent payés par les patients adultes, qui sont à la recherche d'un diagnostic : la plupart des assurances maladies et services au Canada ne couvrent plus les frais après l’âge de 18 ans. De plus, la majorité des assurances vies considèrent l’autisme comme une maladie grave, par exemple : Co-operators finissent la protection pour l’autisme un jour avant le 3e anniversaire de l’enfant assuré. Desjardins couvre les TSA pour les enfants, mais seulement si le diagnostic posé est défini comme une maladie grave par le contrat d’assurance.
- Certaines compagnies d’assurances ne sont pas à jour dans leurs informations par rapport à l’autisme, comme Sun Life, qui base sa définition de l’autisme sur Autism Speaks, qui est un organisme qui cherche à éradiquer l’autisme.
- Selon Auticon, 15 à 20 % de la population mondiale est neurodivergente, et 2 % des personnes neurodivergentes ont un TSA. Si de nombreuses personnes ayant un TSA sont en mesure de travailler (à la fois ont les compétences, les capacités et l’envie), seulement 29 % d’entre elles ont un emploi à temps plein. Ça ajoute donc une autre barrière économique : la majorité occupe des emplois au-dessous de leurs compétences.
- Aux États-Unis, l'âge moyen du diagnostic pour les enfants est d'environ 4 ans, bien que des signes puissent être détectés dès l'âge de 18 mois. Cependant, des différences existent selon les groupes socio-économiques et ethniques, avec des enfants de familles à revenu plus élevé et des groupes ethniques majoritaires diagnostiqués plus tôt.
En mettant en lumière les expériences des femmes cis, PANDC et 2ELGBTQQIA+ autistes, et en remettant en question les stéréotypes de genre associés à l'autisme, nous pouvons contribuer à garantir un accès équitable aux services et aux soutiens pour tous les individus, quel que soit leur genre ou leur couleur de peau.
En fin de compte, cela nous rapproche d'une compréhension plus complète et plus nuancée de la diversité de l'autisme et de la manière dont elle se manifeste chez les personnes de tous genres.
« Mon expérience en tant que femme autiste au Nouveau-Brunswick a été marquée par une quête constante de compréhension et d'acceptation.
Grandir dans une société qui peine encore à reconnaître et à s’adapter à la diversité neurodivergente m'a souvent confrontée à des défis invisibles. En tant que femme, il y a aussi des attentes sociales spécifiques auxquelles il est difficile de répondre, ce qui peut accentuer l’isolement.
Mon diagnostic d’autisme est arrivé relativement tard, suite à une démarche en santé mentale pour traiter un trouble anxieux et dépressif. Ce processus a révélé que mon anxiété et ma dépression étaient étroitement liées à mon autisme, un aspect qui avait été négligé pendant des années.
Cependant, obtenir ce diagnostic n’a pas été facile, car l’accès aux services en santé mentale était extrêmement limité lorsque j’étais plus jeune, et il reste encore difficile aujourd’hui.
Cette réalité m’a sensibilisée aux lacunes du système et m’a poussée à militer pour une meilleure reconnaissance des besoins des femmes autistes et pour un accès accru aux services, afin que personne d’autre n’ait à traverser ces obstacles seul·es. »
- Marie-Pier Leroux, elle/la, travailleuse sociale et militante autiste
Article rédigé par Marie-Pier Leroux, en collaboration avec Natasha Haché.
Ressources
- Autism Resource Centre – Riverview
- Autisme Péninsule acadienne – Caraquet : Autisme Péninsule acadienne est un organisme communautaire à but non lucratif. Son mandat est d’offrir du soutien, des ressources, de l’information et des services aux individus, aux familles, aux intervenants et aux professionnels en relation avec l’autisme.
- Autism Resources Miramichi : Autism Resources Miramichi Inc.'s mission is to provide resources to persons of all ages living with Autism Spectrum Disorder by providing guidance, advocacy, and high-quality programs, strategically designed for those with a diagnosis of Autism Spectrum Disorder, are pursuing a diagnosis or are self diagnosed as well as those those who work closely with this community in the area of Miramichi, in the context of an inclusive, inviting, community based organization.
- La Neurodiversité - L'autisme et les autres formes d'intelligence : Mouvement pour la reconnaissance positive de la diversité cognitive et pour les droits de ces personnes: l'autisme, le TDAH, la dyslexie, la dyspraxie, etc.