Avertissement de contenu : cet article mentionne des faits en lien avec la mort et la disparition de personnes autochtones. Si en tant qu’individu autochtone cette lecture vous cause de la détresse :
- Vous pouvez appeler la ligne d’écoute espoir sans frais au 1-855-242-3310, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ou vous branchez en ligne par clavardage à www.espoirpourlemieuxetre.ca.
- Vous pouvez également contacter la ligne d’urgence nationale et indépendante de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pour toute détresse reliée à cette thématique au 1-844-413-6649. Cette ligne est gratuite et offerte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Lutte contre les violences policières et les violences faites aux femmes autochtones
En juin 2020, Chantel Moore, originaire de la Première Nation Tla-o-qui-aht, est tuée par un policier lors d’une vérification de bien-être par la Gendarmerie Royale du Canada à Edmundston. C’est malheureusement loin d’être un cas isolé puisqu’au cours des 20 dernières années, 16 % de tous les homicides commis par la police impliquaient des victimes autochtones. Si dans un premier temps, en 2021, le Bureau des Enquête Indépendantes avait déclaré qu’il était impossible d’établir une perspective raisonnable de condamnation (légitime défense), en 2022, le jury d’enquête du coroner a conclu qu’il s’agissait d’un homicide. Le jury a ensuite formulé une série de recommandations afin d’éviter que cela ne se reproduise. Alors que la famille réclamait une enquête indépendantes dirigée par des personnes autochtones, cette requête n’a pas abouti. De fait, selon de nombreuses associations autochtones, la conclusion d’homicide ainsi que les recommandations ne répondent ni à la gravité, ni aux problèmes du système judiciaire. En revanche, elles reflètent l'incapacité du gouvernement Higgs de s'attaquer aux causes profondes résultant dans la mort de Chantel Moore.
Victimes d'un système juridique défaillant et non-indépendant
Comme l’affirme la Nation Wolastoqey au Nouveau-Brunswick, « l'enquête sur le meurtre par arme à feu de Chantel Moore aux mains d'un policier a démontré l'urgence d'une enquête sur le racisme systémique menée par des autochtones ». Une telle enquête est considérée comme le seul moyen de mettre en place un processus crédible et indépendant qui puisse déboucher sur un système judiciaire dans lequel la Nation Wolastoqey peut avoir confiance. L'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) indique que seulement 53 % des affaires de meurtre de femmes et filles autochtones figurant dans sa base de données ont été résolues, contre 84 % pour l'ensemble des affaires au Canada. Par exemple, dans le cas d’Erin Brooks de la communauté wolastoqiyik de Sitansisk (St Mary’s), vue pour la dernière fois en décembre 2021, la police a déclaré que sa disparition est due à un acte criminel seulement deux mois après.
Au-delà des tragédies individuelles, ces disparitions sont loin d’être des cas isolés. L’AFAC attribue ainsi ces décès ainsi que la lenteur dans les enquêtes à l’étroite corrélation entre la misogynie et le racisme systémique.
Un racisme systémique omniprésent
Par ailleurs, en octobre 2021 et à la demande des communautés autochtones, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a nommé une commissaire au racisme systémique, Manu Varma. En juin 2022, un conseiller principal démissionne suite à la non-publication d'un rapport de la commissaire en avril, qui recommande de mettre en place une enquête publique sur le racisme systémique à l’égard des communautés autochtones dans le système judiciaire et policier. Il est ainsi inquiétant de voir l'indépendance du commissariat au racisme systémique mise à mal par le gouvernement.
Pour en savoir plus, lisez notre mémoire envoyé à la commissaire au racisme systémique.
Land Back : revendication de titre de la Nation Wolastoqey
Le mouvement Land Back vise à obtenir la gouvernance et le contrôle des terres ancestrales. C'est un mouvement vers la décolonisation, de justice sociale qui se fait entendre dans toutes les communautés. En novembre 2021, les 6 chefs de la Nation Wolastoqey ont lancé une revendication de titre, qui a été déposé à la Cour du Banc de la Reine au Nouveau-Brunswick. Ce litige vise spécifiquement les grandes entreprises industrielles qui occupent ses terres traditionnelles, notamment Irving, Énergie NB et les entreprises forestières, représentant 40 % des terres visées par cette revendication. La Nation Wolastoqey chercher à obtenir de ces défendeurs une déclaration de titre autochtone sur ses terres traditionnelles ainsi qu’une indemnisation de la Couronne pour avoir autorisé des opérations commerciales sur ses terres traditionnelles, notamment par le biais d’entreprises d’extraction de ressources à but lucratif. Ce litige a été déposé suite à des essais de négociations prolongés sur diverses questions de terres et de droits avec le gouvernement Higgs, qui n’ont permis aucun avancement. La communauté Wolastoqey s’est donc vu obligée de prendre des mesures plus fortes sous forme de litige pour que sa demande de droits de terres traditionnelles soit prise au sérieux.
Obtenir la gouvernance et le contrôle de leurs terres ancestrales
Les Wolastoqey n’ont jamais cédé la propriété de leurs terres. Les traités de paix et d’amitié conclu avec la Couronne reconnaissaient que si les colons devaient vivre sur les terres des Wolastoqey, ils devaient suivre le processus légal d’établissement sur ces terres. La reconnaissance de la propriété de longue date de ces terres est donc une question de réconciliation et de partage équitable des terres et des ressources. Une telle reconnaissance des droits territoriaux de la Nation Wolastoqey permettrait de l’établir comme un autre niveau de gouvernance qui a un droit de décision légitime sur les questions qui concernent leurs terres traditionnelles. Patricia Bernard, cheffe de la Nation Madawaska Maliseet, note que le plan de gestion forestière de la province est un exemple de cas où les Premières nations n'ont pas été consultées au Nouveau-Brunswick et que les choses seraient différentes si elles avaient été correctement consultées.
Sachant que le gouvernement Higgs s’est montré en faveur d’industries d’extraction en but de profit, il n’est donc pas surprenant que son approche ait été de semer la peur et la division en réponse à la revendication de titre de la Nation Wolastoqey.
Une telle reconnaissance de titre donnerait notamment un pouvoir important à la Nation Wolastoqey de bloquer des projets d’entreprises d’extraction de ressources à but lucratif reconnus comme mettant à risque les écosystèmes et les habitants de ces territoires.
Actuellement en cours, ce litige pourrait prendre des années à se régler sans la volonté du gouvernement provincial de reconnaître cette revendication territoriale. Par exemple, ce dernier a décidé de voter un amendement en raison de cette poursuite judiciaire : cet amendement retire la notion de « territoires non cédés » des communautés autochtones, au profit de la notion de « territoires historiques » dans une motion reconnaissant le 30 septembre comme Journée de la vérité et de la réconciliation. Cela démontre que le gouvernement est loin d’être prêt à coopérer et annonce une longue lutte pour la Nation Wolastoqey.
Les revendications en matière de justice environnementales sont étroitement liées aux revendications territoriales, notamment en ce qui concerne le gaz de schiste. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick dit depuis longtemps qu'il est en faveur du développement de l'industrie gazière dans la province. Il a récemment annoncé vouloir revisiter le moratoire sur le gaz de schiste imposé en 2014.
Le regain d'intérêt du gouvernement pour le gaz de schiste : l'environnement en danger
Ce n’est pas nouveau : en octobre 2013, la Première Nation Elsipogtog organise un blocus contre l’extraction du gaz de schiste. Sur ordre du tribunal, la police est intervenue, ce qui a donné lieu à de violents affrontements. L’intérêt du premier ministre Higgs de renverser ce moratoire est donc non seulement un déni complet de la crise climatique, mais aussi un mépris total des communautés autochtones qui se sont déjà clairement prononcées contre de tels projets d’extraction.
Ayant encore dans la mémoire le manque de consultation et d’engagement et la reconnaissance médiocre de droits autochtones, des membres de la communauté Elsipogtog ont rappelé que les communautés autochtones de la région doivent être consultées avant de prendre quelque décision que ce soit sur la permission de retour de l’industrie. Comme le note Alex Levi, coordonnateur de la table ronde sur la reconnaissance des droits autochtones et l’autodétermination de Kopit Lodge :
« [Le premier ministre Higgs] doit comprendre qu’à titre de détenteurs de droits, nous n’allons pas le laisser faire ce qu’il veut. Ce sont nos terres, ce sont nos ressources. Nous avons des droits et des titres. S’il veut faire ce processus, il doit nous consulter et passer par nous. » (Radio Canada)
Bilan : un manque de volonté flagrant
Malheureusement, l’actualité de ces dossiers continue à démontrer le manque de volonté criant du gouvernement provincial de respecter la souveraineté des communautés autochtones du Nouveau-Brunswick en tant que gardiens originaux de terres ancestrales, ainsi qu’un manque d’action sur les enjeux particuliers aux communautés autochtones telles que les violences policières et les violences faites aux femmes autochtones.
Nous demandons que les instances de pouvoir entament le processus de rétablissement du contrôle politique et environnemental des terres par les communautés autochtones. Nous exigeons que les politiques, les projets et les initiatives qui ont trait à l’exploitation et la transformation des ressources naturelles soient confiés à ces communautés et que les instances de pouvoir s’engagent à leur donner une pleine autonomie sur les moyens pour atteindre des solutions durables. Conformément à de nombreuses recommandations des nations autochtones, nous demandons l’établissement d’une enquête menée par les communautés autochtones sur le racisme systémique dans le système judiciaire ainsi que la mise en place des recommandations du rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Pour en savoir plus sur nos revendications en solidarité avec les communautés autochtones.
On est encore loin d'un réel proccessus de décolonisation : le chemin est encore long, les avancées trop lentes, les consultations des Premières Nations peu nombreuses. Une première étape pour envisager une réparation puis une réconciliation pourrait être de nous informer pour comprendre les différents enjeux et nous sentir cocnerné·es : jetez un œil dans notre boîte à outils.