Faut-il sacrifier la santé mentale des femmes pour lutter contre les changements climatiques?

Je suis entourée de femmes extraordinaires, généreuses, dévouées et résilientes. Et je suis certaine que je ne suis pas la seule dans cette situation. On pourrait être tenté·es de profiter de la journée du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, pour célébrer ces personnes remarquables. Mais avec les changements climatiques à nos portes et le message sans cesse répété que « les femmes feront partie de la solution », je ne peux m’empêcher d’être inquiète pour la santé mentale de ces femmes.

L’une des plus grandes tâches du féminisme est de déconstruire le mythe de la féminité. Lorsqu’on place les femmes sur un piédestal, qu’on fabrique une aura de mystère autour d’elles et que l’on considère que leur empathie est une qualité intrinsèque à leur sexe, la vigilance est de mise. À qui profite réellement cette représentation sacrée?

Les femmes, naturellement plus sensibles à la nature?

Insister sur une distinction naturelle de la féminité – qu’elle soit positive ou négative – par rapport à la masculinité, n’aide aucunement la lutte contre les inégalités de genre. Il est trop facile de se dérober d’un partage équitable des responsabilités en faisant appel à ce grand mystère féminin. Il suffit de penser à la charge mentale liée à la gestion du calendrier familial, une tâche qui revient trop souvent aux mères « parce que ça leur viendrait plus naturellement de s’occuper de ça ». Le mot-clé ici est naturellement.

Il est important de rappeler que, biologiquement parlant, il n’y a aucun lien entre vos chromosomes et votre capacité à prendre soin de ceux qui vous entourent. Ce n’est donc pas une question de sexe, mais bien de genre.


Les enfants de genre féminin sont rapidement encouragés à développer des qualités du domaine du care, notamment la responsabilité et l’empathie. Transposez maintenant cette façon de voir les femmes dans la lutte aux changements climatiques. Il est vrai que les femmes sont plus sensibilisées à la cause environnementale, mais c’est surtout parce qu’on les a socialisées ainsi.

Avec tous ces yeux rivés sur les femmes, convaincus que la solution se « cache » en elles, il y a de quoi avoir le vertige. Parce que si on écoutait toutes ces femmes extraordinaires, généreuses, dévouées et résilientes, elles nous diraient qu’elles sont déjà épuisées, stressées, surmenées et anxieuses. Allons-nous en rajouter une couche en leur disant qu’en plus de tout ce qu’elles font déjà, l’avenir de notre planète est aussi leur responsabilité?

L’écoféminisme, la lutte des femmes et de la planète!

L’écoféminisme est un mouvement philosophique et éthique qui trace des parallèles entre les systèmes d’oppression subis par les femmes et la façon dont nous exploitons la planète. L’une des forces de ce courant de pensée est qu’il nous permet d’éviter de créer une nouvelle charge mentale environnementale pour les femmes et avance plutôt qu’il ne sera pas possible de s’attaquer aux changements climatiques sans revoir complètement nos relations entre les genres.

C’est un outil puissant, quand on y pense : plutôt que de revendiquer le droit à toutes et à tous de jouer le jeu du capitalisme, principale cause de la destruction de nos écosystèmes, les écoféministes nous proposent de créer un nouveau jeu dont les règles seraient adaptées aux femmes et à l’environnement.


C’est bien beau les grandes réflexions philosophiques, mais quels gestes pouvons-nous poser aujourd’hui pour tendre vers un avenir écoféministe? Il faut d’abord faire preuve de prudence lorsqu’on se fait présenter la nouvelle solution environnementale à la mode : est-ce que le succès de cette méthode repose de façon disproportionnée sur les épaules des femmes? Est-ce que le temps consacré à adopter ces comportements m’empêche de m’impliquer activement dans ma communauté?

Parce que s’il n’existe pas de « pouvoir mystérieux » des femmes en tant qu’individus, il y a certainement quelque chose d’intéressant à explorer dans la création de projets collectifs basés sur les principes du care, de l’empathie et de la responsabilité!


Cet article a fait l’objet d’une première publication dans L’Aurore Boréale du 24 février 2022.


Description de l'image : femme avec cheveux noirs, portant une jupe orange et une chemise bleue, debout dans la forêt et lisant un livre.

Laurence Rivard est directrice de Les Essentielles, l’organisme porte-parole des femmes francophones du Yukon. Elle s’intéresse aux intersections entre la lutte aux inégalités de genre et divers dossiers tels que l’accès au logement et la lutte aux changements climatiques.
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