Je suis une quadruple minorité. Immigrante sur un continent étranger. Francophone dans un milieu minoritaire francophone. Noire dans une société partiale. Femme dans un monde inéquitable.
Il m’a fallu 3 ans pour comprendre que la femme de la maison, ma mère, n’agissait pas au même titre que l’homme, mon père. 18 ans pour comprendre qu’il en était de même dans notre société. Il m’a fallu 25 ans pour comprendre qu’être noire dans un monde majoritairement blanc faisait toujours une différence. 25 ans pour comprendre qu’être une femme noire se vit avec une étiquette estampillée «exotisme». Il m’a fallu 18 ans pour comprendre que je pouvais vivre selon mes propres choix. 27 ans pour me rendre compte de l’importance de ces choix pour moi et pour les autres. Il m’a fallu 25 ans pour prendre conscience de ma force de caractère. 27 ans pour m’engager à faire entendre ma voix.
Il m’a fallu 25 ans pour comprendre que nos freins sont multiples. Ils sont nos parents, nos frères, nos sœurs, notre famille, nos amis, nos connaissances, nos politiciens, nos employeurs, mêmes les personnes que nous ne connaissons ni ne côtoyons. Ils sont parfois nous également. Aveuglément conditionnés par le système qui nous est imposé depuis des siècles, nous avons appris à nous taire. Je me tais moi-même encore parfois.
Aujourd’hui plus qu’hier je nous vois reculer et j’ai peur. Je n’ai pas peur parce que je suis faible ou trop sensible. J’ai peur car nous sommes nombreux à nous taire. Je sais que plusieurs partagent ce sentiment. Je sais aussi que plusieurs petites voix ensemble peuvent avoir un écho. Aujourd’hui je ne veux plus me taire. Je veux prendre la place qui m’est due. Je ne veux plus de cette peur. Je veux qu’ensemble nous puissions agir pour que les femmes ne soient plus « le sexe faible », que les femmes noires se départissent du mythe de l’exotisme, que notre société devienne plus juste et égalitaire.
Au quotidien, je veux pouvoir arrêter de me retourner sur mes pas lorsque je marche dans la rue. Je veux pouvoir arrêter de me faire siffler, accoster, insulter par des inconnus. Je veux pouvoir arrêter de me faire intimider parce que je suis une jeune femme noire. Je veux que l’on cesse de me dire que je suis exotique. Je veux avoir les mêmes chances que n’importe qui d’autre sur le marché du travail. Si aujourd’hui personne ne nous donne cette sécurité, ce respect, cette place ou ces chances, c’est à nous de les réclamer haut et fort.
Aux négateurs je voudrais dire d’ouvrir les yeux sur les innombrables injustices dont les femmes sont victimes. Je voudrais également que vous puissiez vous rendre compte de l’ampleur du patriarcat dans notre société. Nombreux sont les exemples de ces préjudices qui subsistent. Les victimes en sont multiples. Elles sont vos parents, vos sœurs, votre famille, vos amies, vos connaissances, vos politiciennes, vos employeuses, même les personnes que vous ne connaissez ni ne côtoyez.
Ouvrons les yeux, écoutons, agissons.